Miklós Bánffy (1873-1950). Né à Cluj (aujourd'hui en Roumanie), il est le prototype de ces aristocrates de Transylvanie — élevés souvent dans la tradition calviniste — qui ont toujours eu à coeur, semble-t-il, d'incarner la part la plus remuante du génie hongrois. Un destin de premier rang semblait promis à cet homme « bien né », riche de talents, de culture et d'ambition. Promesse un temps tenue : Miklós Bánffy sera au début du siècle un écrivain fêté, un administrateur de théâtre curieux de la modernité, un homme politique écouté (sous une étiquette qui serait aujourd'hui celle de libéral-conservateur)… avant que l'Histoire et ses violences ne viennent ruiner sa carrière, le condamnant pour finir à l'exil dans son propre pays. Il avait commencé à écrire pour la scène : son drame poétique, La Légende du Soleil (1906) lui vaut les applaudissements du grand poète Endre Ady. Mais c'est surtout par ses œuvres de fiction — nouvelles et romans où revivent le passé et le présent de sa Transylvanie natale — qu'il conquiert le public (La Mort du lion, 1914 ; Du matin jusqu'au soir, 1928). Dans le même temps, il mène une vie des plus en vue : animateur de l'Opéra Hongrois et du Théâtre National, il est l'un des premiers défenseurs de l'œuvre de Bartok ; ministre des Affaires étrangères en 1921-1922 (soit juste après le traité de Trianon qui obligeait la Hongrie « vaincue » à céder la Transylvanie à la Roumanie), il s'écarte ensuite du gouvernement, surtout lorsque, après la fin des années 20, l'amiral Horty, « régent » de Hongrie, commence de faire évoluer son régime vers un autoritarisme déclaré. Bánffy a choisi alors de se retirer dans ses terres transylvaines (il sera un temps rédacteur en chef du journal libéral Erdélyi Helikon). C'est alors qu'il rédige son « grand œuvre », cette Chronique transylvaine (trois romans en tout) qui évoque magistralement la fin d'un monde — le sien — trop longtemps abusé par les illusions de l'Histoire. Il sortira de sa retraite au début de la dernière guerre et se verra chargé en 1943 d'une mission secrète à Bucarest en vue de rassembler différents mouvements de résistance au nazisme. La libération de son pays après la guerre ne sera pour lui qu'une courte embellie. L'arrivée des communistes au pouvoir le voue à un nouvel « exil » : à Budapest cette fois, où il meurt en 1950, mieux que jamais loin de chez lui. © Phébus